Nouvelle gratuite
« Le vol 975 à destination de Paris, décollage initialement prévu à 16 h 38, est annulé. Les passagers sont priés de se rapprocher de leur compagnie ou de leur agence de voyages»
Comme des centaines d'autres passagers, je fais la queue devant le guichet d'Easy Jet, partagée entre colère, panique et désespoir. J'entends l'hôtesse rabâcher les mêmes justifications, client après client :
— Nous nous excusons pour ce désagrément et nous allons faire notre possible pour vous trouver un autre vol ou vous rembourser votre billet. La tempête de neige qui sévit sur Paris ne permet pas de prévoir de vol avant au moins deux jours, mais nous pouvons peut-être vous trouver un avion pour Bruxelles ou Genève.
Et contrairement à la majorité de mes compagnons d'infortune, cette solution ne me convient absolument pas. Ma famille s'est réunie chez mamie Claire, à Paris, et ils vont réveillonner dans moins de cinq heures. Attendre le prochain avion pour Bruxelles puis me débrouiller pour trouver un train vers Paris me ferait arriver tard dans la nuit, au mieux… si c'est pour louper le réveillon familial, à quoi bon ?! Je sais que ma sœur repart sur Nice dans la matinée de demain pour fêter Noël avec la famille de son copain, et que mes parents retournent dans leur cottage de Landerneau, comme à chaque fois pour les vacances scolaires. Je dois me rendre à l'évidence, je suis coincée ici.
C'est là qu'une deuxième évidence me tord les boyaux : je suis coincée ici avec Anton !
Anton est mon colocataire. Enfin, l’un des cinq qui partagent l'appart universitaire avec moi. Je suis en programme Erasmus à l'université d'Oslo, en Master de droit international, et je suis en colocation avec deux autres filles et trois garçons. Natalya est russe et elle est très vite devenue ma meilleure amie. Prisca est suédoise, Peter irlandais, Fabio italien et Anton est croate. Depuis presque un an qu'on vit tous ensemble, on a forgé de vrais liens d'amitié… sauf avec Anton. Il ne participe qu'à minima à la vie commune, reste enfermé dans sa chambre la plupart du temps, ne fait pas la fête, ne sort jamais. Il ne parle quasiment pas et se contente de nous lancer des regards noirs ou de nous envoyer bouler si on a le malheur d'essayer d'engager la conversation. Ça me contrarie parce que, franchement, Anton est de loin le plus beau mec que j'aie croisé depuis que je suis en Norvège. Quand je suis arrivée et qu'on a été présentés, je me suis dit : bingo ! Celui-là est pour moi ! J'ai vite déchanté… Je ne peux même pas dire que je ne lui plais pas parce qu'en fait, personne ne l'intéresse. En un an, il n'a abordé aucune fille et n'a pas non plus paru attiré par les garçons. Rien, personne, nada. C'est un asocial sociopathe. Enfin, jusqu'à présent, je disais ça pour déconner, et par dépit, mais ce soir… Ce soir, je vais me retrouver toute seule à l'appart avec lui. Je sais qu'il ne rentre pas dans sa famille pour les fêtes. Il ne rentre quasiment jamais. Une seule fois l'année dernière, pour les obsèques de sa grand-mère, et c'est tout. Pendant les congés, il travaille sur ses cours et fait des heures sup dans la brasserie où il est extra, de manière à passer le moins de temps possible avec nous. Ô quelle misère ! J'imagine déjà mon super réveillon, enfermée dans ma chambre ou seule sur le canapé du salon devant Netflix… avec lui en guise de frustration suprême, comme une boîte de chocolats hors de portée, planqué derrière sa porte close.
Pour ne pas sombrer dans le désespoir, en rentrant de l’aéroport, je décide de passer au supermarché qui jouxte le pôle universitaire et je fais une razzia sur les sushis, canapés, pain d'épices et pralines. Après une courte hésitation, je prends aussi une bouteille de champagne, même si ça grève mon budget. Ce soir, j'ai grand besoin de réconfort.
Arrivée à l'appartement, peu désireuse de m'attirer les regards noirs et les réflexions acerbes de mon colocataire, je me faufile silencieusement jusqu'à la cuisine où je dépose mes courses. Je m'apprête à mettre mon champagne au frigo quand j'entends un truc que je n'ai jamais entendu : le rire d'Anton.
Stupéfaite, je suspends mon geste. Je n'ose plus bouger. Son rire est si… magnifique, si joyeux, si libre ! Je me fais soudain la réflexion que je ne connais rien de lui. Je ne sais pas qui il est, puisque je ne l'ai connu que retranché derrière sa froideur et son hostilité affichées. Son rire me donne carrément envie d'en savoir plus. Mon cœur se met à battre un peu plus fort. Et si je parvenais à percer cette carapace qu'il a soigneusement mise en place pour nous tenir à l'écart, qu'est-ce que je découvrirais dessous ?
Bien décidée à en avoir le cœur net, je referme le frigo et me dirige vers le couloir des chambres. Soit il n'est pas seul, soit il est au téléphone puisque je l'entends parler en croate. Je ne sais pas ce qu'il dit, mais le ton de sa voix est gai, tendre et chaleureux. La curiosité me dévore. À qui parle-t-il ? Je frappe à sa porte. Il stoppe net au milieu d'une phrase, marmonne quelque chose, puis je l'entends se lever et marcher vers moi. Il ouvre le battant avec violence, son masque rogue à nouveau plaqué sur son visage. Je n'y lis pas la moindre trace de ce que j'ai entendu : joie, chaleur, tendresse. Plus rien qu'une incommensurable contrariété.
— Qu'est-ce que tu fais là ? aboie-t-il.
— Mon vol a été annulé, je suis coincée ici pour Noël.
Je voulais lui répondre sèchement, mais sur les derniers mots, ma voix a tremblé et j'ai senti les larmes, que je retenais depuis l'aéroport, menacer de me trahir. Je serre les dents et inspire profondément. Pas question de lui laisser voir ma détresse.
— Désolée de t'avoir dérangé.
Je tourne les talons et m'enfuis vers ma chambre, mais au bout de deux pas, sa main agrippe mon bras et m’arrête net.
— Attends !
Il déglutit, pousse un soupir et baisse la tête.
— C'est moi qui suis désolé, je m'excuse.
Alors là, j'en reste comme deux ronds de flan ! Anton le ténébreux qui s'excuse ? Il a l'air super mal à l'aise, les yeux rivés au sol, les mains dans ses poches et la mâchoire contractée. Soudain, il m'émeut. J'ai envie de le serrer dans mes bras. On dirait un petit garçon qui n'ose pas demander un câlin.
— C'est rien, je comprends, le rassuré-je. Tu te croyais tranquille pour deux jours et voilà que tu vas te taper ta gourdasse de coloc… enfin, façon de parler, hein !
Je mime l'horreur, il me jette un regard effaré puis comprend que c'est de l'humour et m'adresse le plus craquant sourire que j'aie jamais vu. Mon cœur s'emballe. La vache ! Ce mec a combien de visages ?
Je crève d'envie de lui demander avec qui il riait comme ça, au téléphone, mais j'ai trop peur qu'il se referme comme une huître et que ce moment de grâce disparaisse.
— J'ai fait deux ou trois courses, du coup. Tu accepterais de réveillonner avec moi ?
C'est risqué, mais là, j'ai vraiment envie d'apprendre à mieux connaître cet autre Anton, alors quoi de mieux qu'une coupe de champagne pour faire fondre la glace ? Pourtant, son visage se ferme et pâlit subitement et il me semble même lire de la souffrance dans ses yeux.
— Heu… j'ai… du travail, balbutie-t-il avant de faire demi-tour et de s'enfermer dans sa chambre.
Okayyyyyy… bon, d'accord. J'ai compris…
Non, j'ai rien compris, en fait. Ses réactions ne ressemblent pas à celles d'un misanthrope. Je ne crois plus qu'il déteste « les gens » ou leur compagnie. C'est autre chose. Et bon sang de bois, l'Esprit de Noël m'en soit témoin, je trouverai ce qui le mine à ce point !
Forte de mes nouvelles résolutions, je fonce à la cuisine récupérer mon sac à main et je quitte l'appartement… direction le centre commercial. Trois heures plus tard, le salon est décoré aux couleurs de Noël et des bougies brûlent sur tous les plans horizontaux, baignant la pièce d'une lumière douce et chaleureuse. Sur la table basse, des plats, artistiquement présentés, de sushis, de canapés au saumon ou au foie gras (très difficile à trouver à Oslo !), mais surtout, de bijelo ! Après avoir fureté sur internet, j'ai découvert quelques mets traditionnels du Noël croate et je tenais à lui en faire la surprise. Ce qui n'a pas été sans mal. Et j'ai même réussi à trouver un pain aux fruits secs traditionnel dans une petite épicerie slave du centre-ville… c'est incroyable tout ce qu'on peut dénicher dans une grande ville cosmopolite !
Je me suis douchée et maquillée légèrement. J'ai enfilé la petite robe pourpre que j'avais prévue pour mon réveillon en famille. Elle met assez bien mes courbes en valeur, tout en gommant les plus « voluptueuses ». Ben oui, je suis assez loin des standards de Vogue… bref, je suis aussi prête qu'on peut l'être et je crois ne m'être jamais sentie aussi nerveuse de ma vie.
De la chambre d'Anton, pendant mes préparatifs, m'est parvenu plusieurs fois le son de sa voix. Plus étouffé qu'avant mon intervention, mais toujours aussi chaleureux et tendre. Un ton auquel, apparemment, je n'ai pas droit. Puis, quand je ne trouve plus aucune excuse pour différer la mise en œuvre de mon plan, j'appuie sur le bouton de la télécommande. L'enceinte Bluetooth de mon iPod commence à diffuser doucement le premier morceau de la playlist : « Veselje ti navješćujem », un chant de Noël traditionnel croate.
Ça, par contre, ça a été super facile à trouver ! Apparemment, les Croates adorent Noël. Si tu tapes « chants de Noël croates » sur Deezer… il y en a des centaines ! Et cette découverte m'a encore plus attristée pour Anton. Je me suis rendu compte à quel point ça devait être dur, pour lui, d'être loin de chez lui précisément ce soir. Je ne sais pas pourquoi il n'est pas rentré, mais à l'entendre parler des heures au téléphone, je me doute que ce n'était pas une volonté de sa part.
Petit à petit, je monte le son, jusqu'à ce qu'il entrouvre sa porte, sans doute attiré par la musique. Sa tête, quand il débarque dans le salon ! Ça vaut des points ! C'est entre le petit garçon qui rencontre le Père Noël et un expert-comptable face à une soucoupe volante. Émerveillé, incrédule et à la limite de la panique.
Puis ses yeux se posent sur moi, s'écarquillent, ses lèvres s'entrouvrent comme pour dire quelque chose, mais se referment aussitôt. La douleur que j'ai déjà vue traverser son regard réapparait. Je sens qu'il va s'enfuir à nouveau alors je décide d'agir.
— Anton ! S'il te plait… reste un peu avec moi. Je ne t'embête pas longtemps. Promis ! Mais s'il te plait, ne me laisse pas toute seule.
Il hésite, visiblement en proie à un dilemme.
— Je sais que tu ne m'aimes pas beaucoup et que tu préfères sans doute ta solitude. Et je suis désolée de te forcer la main comme ça. Je sais que je n'ai pas joué fairplay en me servant de ta nostalgie pour ton pays pour parvenir à mes fins, mais… je t'en prie, est-ce que pour un soir, un soir seulement, tu pourrais faire semblant de ne pas me détester ?
Il cligne des paupières en me regardant comme si j'avais des cornes, ou comme si je venais de débiter la plus grosse absurdité qu'il ait jamais entendue. Ses yeux font à nouveau le tour de la pièce, notant bien, cette fois, les spécialités de chez lui, l'ambiance chaleureuse et festive, la musique de son enfance… Une larme coule sur sa joue.
Qu'est-ce que j'ai fait ?! Qu'est-ce que j'ai dit ?! Je m'en veux, mon Dieu ! Je ne sais pas dans lequel, mais j'ai sûrement mis les pieds dans un plat. Je m'avance vers lui, j'attrape ses mains et les serre dans les miennes.
— Je suis vraiment une quiche ! La reine des dindes ! Je fais boulette sur boulette, apparemment. Écoute, j'aimerais vraiment qu'on se parle et qu'on enterre la hache de guerre, au moins pour ce soir. Mais si c'est trop te demander…
— Non, c'est moi qui suis stupide de réagir comme ça, proteste-t-il d'une voix douce, un sourire contrit au coin des lèvres. Tu as raison, Lia, je n'ai pas le droit de te gâcher ton Noël.
Rassérénée et folle de joie qu'il m'ait appelée par mon prénom pour la première fois, je le traîne jusqu'au divan.
— Super ! Assieds-toi, est-ce que tu veux une coupe de champagne ou est-ce que tu préfères autre chose ? J'ai du coca, de la vodka et… même du Prošek !
— Mais… comment as-tu trouvé tout ça ? Et surtout, pourquoi ?
— Je voulais mettre toutes les chances de mon côté, alors je me suis dit que si tu étais aussi nostalgique que moi de ta terre natale, en cette veille de Noël… Enfin, c'est un cadeau, quoi.
Je retiens un peu ma respiration. Est-ce que j'ai bien fait ?
— C'est le plus beau cadeau de Noël qu'on m'ait fait de toute ma vie, répond-il d'une voix un peu tremblante. Mais… je n'ai rien pour toi.
Il semble submergé par la honte. Du coup, je commence à entrevoir, peut-être, le fond du problème.
— Tout ce que je te demande, c'est d'accepter de passer un peu de temps avec moi, le rassuré-je. Et de ne pas m'envoyer promener, ce serait cool, pour une fois.
Mon trait d'humour fait mouche, le demi-sourire réapparait furtivement.
— Ce n'est pas ce que tu crois, se défend-il. Je ne te déteste pas, pas du tout. C'est juste que…
— Est-ce que j'ai bon si je pars du principe que tu en baves, financièrement, et que ton ego surdimensionné t'empêche d'assumer ça ? Te fâche pas ! Écoute-moi jusqu'au bout, d'accord ? Ce n'était pas une insulte, tu sais. On sait tous que c'est dur d'assumer les frais des études quand on est boursier et plus de la moitié des étudiants que je connais bossent à côté pour pouvoir ne serait-ce que manger. Tu n'es pas le seul, Anton. Si tu nous l'avais dit dès le départ, tu crois vraiment qu'on t'aurait snobé ?
Il soupire lourdement.
— Non, bien sûr, je sais que vous n'auriez pas fait ça. Je ne veux de la pitié de personne, c'est tout. Je m'assume. Je l’ai toujours fait. Je ne vis pas au-dessus de mes moyens, tout simplement. Si j'avais refusé de participer à vos soirées ou à vos sorties parce que je ne pouvais pas payer ma part, vous auriez insisté et vous vous seriez cotisés pour que je puisse venir avec vous.
— Eh ben… oui, bien sûr ! C'est ça la solidarité !
Je m'emporte, mais je n'arrive vraiment pas à comprendre son point de vue.
— Alors, tu nous as pris de haut et tu nous as repoussés uniquement parce que tu ne voulais pas qu'on t'aide ? Mais c'est complètement…
J'allais dire « débile » alors à la place, je ferme ma bouche, j'attrape la bouteille de Prošek, je remplis deux verres et je lui en tends un.
— Zdravlje ! À ta santé, Joyeux Noël et surtout, à ta crétinerie !
Je lui souris en lui adressant un clin d'œil moqueur, auquel il répond en rougissant d'embarras. Il est à croquer.
— À toi, me salue-t-il en levant sa coupe, qui est si… incroyable.
Les mots lui manquent, visiblement, mais son regard en dit suffisamment long. Je suis au bord de la surchauffe. J'ai tellement envie de le toucher, de le prendre dans mes bras, que c'en devient douloureux. Je me rends compte que j’ai rarement rencontré un mec aussi attendrissant et tous ces longs mois à fantasmer sur lui sans espoir me fichent encore plus la pression. Je ris pour tenter d'alléger l'atmosphère. Il se détend aussitôt et se tourne vers la table sur laquelle j'ai déposé les plats.
— Tout ça m'a l'air délicieux, dit-il en se servant.
L'instant magique est passé. Je refoule mon pincement au cœur et goûte à mon tour un sushi.
Après quelques verres d'alcool et des conversations inoffensives, je sens Anton assez détendu pour tenter d'aborder les sujets qui me préoccupent.
— Est-ce que tu me dirais à qui tu parlais, au téléphone ? C'est quelqu'un de ta famille ? Une petite amie ?
Il fixe un instant sur moi ses yeux sombres, redevenus sérieux. Va-t-il me répondre, ou m'envoyer bouler ?
— Il y a eu ma petite sœur Ana. Puis ma sœur aînée Mirna. Puis ma mère, et enfin, ma grand-mère.
— Elles te manquent beaucoup ?
— Tout le temps.
Il a l'air si triste.
— On est très famille. Très proches. Alors… c'est un peu dur.
— Il n'y a que des filles, dans ta famille ? demandé-je en riant, pour alléger un peu l'ambiance.
— Maintenant, oui, répond-il avec encore plus de gravité. Mes deux grands-pères sont morts pendant la guerre d'indépendance. L'un en 1992 et l'autre en 1995. Je ne les ai pas connus. Mon père a succombé à un cancer il y a cinq ans, et mon petit frère s'est fait renverser par une voiture il y a douze ans. Alors il ne reste plus que moi. Du coup, c'est pas facile pour mes sœurs, ma mère et ma grand-mère, de me savoir loin.
Je reste sans voix. Les larmes au bord des cils. Au temps pour l'allègement d'ambiance.
Comme mon silence s'éternise, il ébauche un rictus désabusé.
— Et voilà, j'ai cassé ton beau Noël…
Je vois revenir l'Anton ténébreux, qui se cache derrière un faux détachement et une ironie coupante. Il a détourné les yeux et s'intéresse consciencieusement à ce qu'il reste de canapés sur le plateau.
— Arrête de faire ça, Anton, asséné-je froidement. C'est ridicule, c'est méchant et ça ne résout rien. Je me trompe ? Je ne crois pas, non.
Je sais que je suis dure avec lui, mais j'ai vraiment besoin de briser pour de bon cette maudite armure qu'il s'est faite. À tel point que mes mots dépassent ma pensée.
— Est-ce que tu te sens mieux quand tu blesses les gens qui essaient de t'aimer ?
Je me fige. Lui aussi. Il me transperce du regard en prenant une brusque inspiration. Je porte la main à ma bouche, comme pour ravaler ce qui n'aurait jamais dû en sortir. Je me suis mise dans une mouise complète.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, balbutié-je. Oublie.
J'essaie de rattraper le coup, mais il semble déçu. Déçu, contrarié et triste. Comme si je n'avais pas eu la réaction qu'il attendait… Se pourrait-il… ?
Je décide de tenter le tout pour le tout et tant pis pour les conséquences. Je me lève de mon fauteuil et m'agenouille devant lui, entre ses genoux. Je prends ses mains dans les miennes sans lui laisser le temps de réagir et je me lance.
— Non, en fait c'est très précisément ce que je voulais dire, Anton. J'ai cru pendant des mois que tu me détestais pour je ne sais quelle raison. J'ai pensé que tu me trouvais moche, stupide, tout y est passé ! Et ce soir, j'apprends qu'en fait, le problème ne venait pas de moi mais… de toi. Et que tu ne me repoussais que pour protéger ton amour-propre et ta fierté. Alors maintenant, dis-le-moi, Anton. Dis-moi que je ne t'intéresse pas et que je n'ai pas la moindre chance avec toi. Dis-moi que tu n'as pas envie que je t'embrasse, que je te caresse, qu’on passe du temps ensemble. Dis-le-moi et je te promets que je te ficherai la paix.
Il ne respire plus, mais je vois le sang pulser furieusement dans la veine de son cou. Ses mains, dans les miennes, sont moites et tremblantes. Je porte alors le coup de grâce.
— Dis-moi que tu ne veux pas de moi, ou embrasse-moi. Maintenant.
Sa langue passe furtivement sur ses lèvres asséchées. Les miennes s'entrouvrent de désir. Il déglutit. Je lui adresse un sourire d'encouragement.
— C'est que, je ne suis pas…
Je hausse un sourcil.
— Tu te cherches des excuses ? Je n'en accepterai aucune, Anton. C'est à prendre ou à laisser.
Je mise gros, très gros, mais je refuse de capituler. Au point où j'en suis, je ne me contenterai que d'une victoire totale.
Il sourit. Complètement. D'une oreille à l'autre. Et deux miraculeuses fossettes apparaissent au creux de ses joues. J'en pleurerais de joie.
— Tu es une maîtresse exigeante, ironise-t-il.
— Tu n'as pas idée…
Alors il retire ses mains des miennes, prend mon visage en coupe et scelle l'armistice d'un baiser vertigineux. En amour, comme à la guerre… tous les coups sont permis.
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