En 2008, je traînais mes guêtres virtuelles sur un forum qui s'appelait Créapoèmes et qui, comme son nom l'indique, rassemblait une faune disparate de poètes désireux de partager leur prose. J'ai passionnément aimé cette communauté de "gens comme moi". C'était la première fois que j'en rencontrais, que je n'avais pas l'impression d'être une extra-terrestre. Je me sentirai à jamais redevable au peuple de Créapoémie de m'avoir permis d'oser être moi-même, et devenir l'autrice que je suis aujourd'hui.
En Créapoémie, on postait nos poèmes, on lisait ceux des autres, on les commentait, on s'entraidait, on co-écrivait et... on se lançait des défis, des challenges.
C'est à l'occasion de ces challenges que j'ai écrit deux poèmes en rapport avec la littérature Fantasy, dont j'étais depuis toujours une fervente lectrice.
Le premier s'appelait Malerune et s'inspirait de l'œuvre éponyme, de Pierre Grimbert et Michel Robert (deux très grands auteurs français de Fantasy).
La Malerune fut pour moi l'une des œuvres fondatrices de ma carrière d'écrivain, avec Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien et La Belgariade/Mallorée/Préquelles de David et Leigh Eddings.
Malerune
Ils ont le regard dur et la mâchoire serrée
Ce sont des guerriers
Ils ont le corps puissant, agile et délié
Ils sont nés pour tuer.
Lui, son air arrogant, sombre et mystérieux
Son air dangereux
Elle, son allure fière, insoumise et coléreuse
La belle emmerdeuse.
Prince lycante, homme loup aux yeux azurés
Mi homme, mi bête.
Princesse humaine à la légendaire beauté
Princesse guerrière
Les voilà face à face, inconnus, étrangers
Avec leurs préjugés
Les voilà face à face, contraints de s’allier
Contre le danger
De conquêtes en combats, par forêts et vallées
Apprendre et comprendre
De victoires en défaites, en batailles gagnées
Tuer pour se défendre
Puis quand le feu s’éteint, quand les muscles sont lourds,
Blessés, fatigués
Il faut soigner, réparer, réconforter
Et attendre le jour
Le jour où tout ça finira, ce jour de paix
La vie reprendra
Chacun chez soi, mais sans rien oublier, jamais
De ces moments là
Ils se regardent, et leurs yeux ne peuvent mentir
Ils ne sont plus deux
Tous ces combats dos à dos à se ressentir
Se protéger mieux
Ils ne sont plus deux depuis tellement longtemps
Ils ne sont plus qu’un
Et dans leurs yeux quand ils se regardent un instant
On ne voit que faim
Une humaine et un lycante, est ce bien raisonnable ?
Peut-on en rêver ?
Dans ce monde de fou, deux êtres dissemblables
Peuvent-ils espérer ?
Le second poème s'intitule "Coup de foudre". Le challenge était de décrire un coup de foudre entre deux personnes que tout sépare. J'ai imaginé le coup de foudre entre une princesse elfe et un homme loup (que j'ai appelé Lycante)...
Ce poème marque vraiment le tout début, le frémissement de vie, le premier battement de cœur de La Dernière Guerre des Dieux.
Coup de foudre
C'était encore un de ces fastidieux dîners
Farci de protocole et de vieillards séniles,
Ne pensant qu'à lorgner sa grâce juvénile,
Où elle était sensée trouver sa destinée.
Furieuse et dépitée, la jolie princesse elfe
Observait sans les voir, les mâles invités.
Un ramassis d'ennui et de banalité,
Qu'ils soient de Pangorée ou de tout autre sylphe.
Quand soudain son regard, balayant l'assemblée,
Stoppa net, en arrêt, devant un inconnu.
Il avait l'allure sauvage et le corps nu,
Mais ce n'est pas pour ça qu'elle était si troublée…
Les yeux sombres et fauves qu'il braquait sur elle
Faisaient cogner son cœur et frissonner son dos.
Son étrange sourire, obscur eldorado,
Laissait son souffle court et lui donnait des ailes.
Étrange en vérité, que ce mystérieux
Et si jeune lycante l'ait ainsi charmée.
Elle était princesse elfe et se croyait armée
Contre la séduction, le désir impérieux,
Mais il n'en était rien, son âme était perdue,
Désormais prisonnière de cet homme là!
Prenant tout son courage et sans faire d'éclats,
Elle approcha de lui, silencieuse, éperdue…
Ne sentant plus ses jambes qui la soutenaient,
C'est dans un tourbillon de peur et de passion
Qu'elle atteignit le loup, son unique ambition.
Et lui, prince charmant, justement l'attendait.
Ce sont les réactions de créapoètes qui m'enjoignaient de transformer ce poème en roman (et m'ont mise au défi de le faire !) qui ont planté en moi la première graine. Bien d'autres l'ont arrosée par la suite, lui donnant toujours plus de force, jusqu'à ce qu'elle fleurisse.
Le troisième poème a été écrit un an plus tard, alors que je travaillais sur la fondation de mon univers (le world building, comme on dit dans le jargon). J'y raconte comment les tribus métamorphes qui vivaient éparses sur Gahavia sont devenues un peuple.
Métamorphes
Au nord-ouest de Gahavia, se trouvent blottis
Entre les monts du vent et l’océan de glace,
Les cinq anciens royaumes de Métamorphia.
Ces peuples ont en commun, outre leurs dynasties,
Un étrange pouvoir inhérent à leurs races.
Ce qui les exilait, soudain, les unifia.
Car ils étaient honnis pour leur étrangeté,
Mais quand ce fut la guerre et que tout Gahavien
Dû trouver le moyen de défendre les siens,
Vipérines, Aelders, Sylphes et Lycantes
Dévoilèrent au monde leur arme puissante.
Gahavia fut sauvée par cette faculté.
Car si leur corps avait semblance presqu’humaine,
Il était tout autant d’une autre variété.
Ainsi les Aelders devenaient des oiseaux
Pour la chasse ou la guerre, ou pour voler plus haut.
Les sylphes se changeaient en branches et feuillées,
Invisibles espions, réseau de pensée-chaîne.
Le corps des Vipérines créait le danger,
Elles semaient la mort en silence, en mordant.
Les Félides feulaient, rugissaient et griffaient,
Leur souplesse au combat était leur primauté.
Quand aux Lycantes, sens affûtés, cœurs vaillants,
L’Esprit du loup les avait faits guerriers parfaits !
C’est ainsi que les peuples de Métamorphia
Imposèrent leurs races et les unifièrent
En puissante nation, comptant parmi les Sages.
Ils siègent désormais au conseil de Gahavia,
Aux coté des Elfes d’Allorée, des Nains fiers,
Des centaures, des fées, jusqu’au fin fond des âges.
Voilà, vous savez tout de comment les choses ont commencé !
Pour moi, et pour cette saga, tout est parti d'un poème.
(crédit image : oeuvre originale de Ève Mercky)
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