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Photo du rédacteurCécile Ama Courtois

Nordie, par Aline Raynaud

La Pirate des PAL m'a fait l'honneur de lire et de chroniquer Nordie lors de sa toute première édition (chez L'ivre-book). Le roman était alors divisé en deux tomes et voici ce que la pirate en a pensé :


1 –Nordie tome 1 (première partie)

Je remercie Cécile Ama Courtois qui a accepté de me confier son roman sur le site SimplementPro pour lecture et avis.

Je découvre qu'elle a créé Nordie, un véritable monde et sa géographie complexe, qui possède sa propre temporalité et ses rites religieux…

Ce roman propose une double narration à la première personne, points de vue entrecroisés des deux personnages principaux, Deijan de Bucail et Guilendria d'Eteule. Le jeune homme, Major dans la garde royale, au caractère plutôt fier et volontaire rêvait de gloire militaire ; bon vivant, noceur même, il se retrouve contraint de retrouver le sens des responsabilités à la mort de son frère, en devenant héritier du titre de Comte et en se voyant contraint d'épouser la jeune Guilendria et d'avoir rapidement un héritier. Discrète et timide, peu sûre d'elle, mais passionnée et pleine d'idéaux, la jeune femme découvre les déconvenues de la vie conjugale et l'animosité de la cousine de son époux. L'attaque du château par des écumeurs va bouleverser leur destin.

Cécile Ama Courtois s'attaque donc à une trame plutôt conventionnelle sur fond de combats médiévaux et d'amours contrariées… D'emblée, le thème me semble un peu éculé et j'attends beaucoup d'une forme d'originalité dans son traitement.

Et je suis, au fur et à mesure de ma lecture, plutôt agréablement surprise !

C'est bien écrit, très visuel pour les combats, très réalistes pour la description des blessures et des tortures, très approfondi pour les scènes intimes. Le roman glisse gentiment dans l'érotisme. Je savoure une intertextualité moyenâgeuse entre nécessité de procréer et inventivité dans les domaines du désir et de la sexualité. Je retrouve la mise en scène du corps, autant dans le fait de le nommer que de le représenter, en proie à ses appétits charnels ou encore dans ses réalités organiques ou triviales ; le corps souffrant ou mutilé est également mis à l'honneur dans les descriptions détaillées des sévices et des privations. Je ne connais pas l'univers référentiel de Cécile Ama Courtois, mais j'y projette le mien avec le Roman de la rose, le roman de Renart ou encore la poésie de François Villon.

Les deux personnages principaux sont particulièrement bien travaillés… le fait qu'ils soient à l'opposé l'un de l'autre m'a paru un peu trop binaire au début de ma lecture : en effet, autant Deijan s'enfonce dans la noirceur, l'animosité et la fureur, autant son épouse se montre compatissante, indulgente et refuse de se révolter. Mais la suite du récit démontre une réelle recherche du détail dans l'approche psychologique ; les personnages sont mis en scène depuis leur enfance grâce à des retours en arrière dans leurs souvenirs. Le couple se retrouve, apprend à se connaître et à se reconnaître. De même, le personnage du méchant, l'écumeur Iphoras le Ciseleur, est esquissé subtilement, par petites touches qui intriguent. Tous les protagonistes évoluent, même les personnages secondaires.

Ce roman peut se lire comme une suite de monologues, introduits comme au théâtre par une didascalie qui en précise la date, le lieu et le décor. Après les trois premiers chapitres qui ressemblent à un long prologue sur deux « renouveaux », soit environ deux ans de notre calendrier, le temps de l'action principale s'échelonne sur deux lunes, périodes équivalentes à environ deux mois de notre temps ; en effet, la majorité de l'action se situe dans le château du Bucail et plus précisément dans les appartements de Guilendria et la chambre secrète attenante, ce qui en fait une sorte de huis clos un peu oppressant.

L'écriture est soignée et maîtrisée, dans un style inspiré de la littérature du moyen-âge : l'emploi d'un lexique recherché, servi par des notes de fins, donne une forme de réalité et de crédibilité à ce roman. J'ai cependant relevé une partie de dialogue entre Guilendria et sa suivante, Sauge, reprise à l'identique dans deux chapitres différents au moment du départ, puis du retour des écumeurs, à propos du caractère lunatique d'Iphoras, et cette incohérence m'a un peu déçue.

Malgré ce petit bémol, j'ai beaucoup apprécié ce livre.

Cécile Ama Courtois a su me captiver, m'attacher à ses personnages. À la fin de cette première partie, ouverte sur d'autres possibles, je suis prête à continuer l'aventure avec Guilendria, que j'ai vu mûrir et évoluer, au gré des terribles décisions qu'elle a dû prendre

2 –Nordie tome 1 (deuxième partie) –

Attention, spoils pour ceux qui n’ont pas lu le 1 !!!

En octobre 2017, je faisais la connaissance de Cécile Ama Courtois sur les réseaux sociaux littéraires et j'acceptais de rendre un service de presse pour le premier tome de Nordie, Guilendria… J'avais apprécié cet univers de fantasy médiévale revisitée et je m'étais beaucoup attachée aux personnages au point d'attendre la suite avec une certaine impatience. De plus, le style visuel et réaliste de l'écriture m'avait à la fois surprise et convaincue.

Le tome 2 est, tout naturellement, consacré à Deijan, le deuxième personnage principal que le premier opus décrivait comme un homme tout en noirceur, animosité et fureur…

C'est avec plaisir et envie que j'ai accepté ce deuxième service de presse de la part d'une auteure que j'ai appris à mieux connaître au détour de nos échanges ; je la remercie de sa confiance et me ré-aventure volontiers en Nordie, un véritable monde avec sa géographie complexe, sa propre temporalité et ses us et coutumes…

Le récit reprend précisément à la fin du tome 1, qui s'achevait sur de terribles péripéties chargées de tous les possibles à venir. La narration est toujours à la première personne, mais ce sont plusieurs JE qui partagent leurs points de vue et s'entrecroisent de chapitre en chapitre, aux titres éponymes. Ainsi, les lecteurs sont au plus près des ressentis des personnages. Cécile Ama Courtois a le talent de créer un style particulier pour chacun(e) et cela sonne juste et naturel.

Si le premier tome se passait presque exclusivement à l'intérieur d'un château, où l'ensemble des personnages étaient regroupés, cette fois l'auteure nous emmène à la suite de plusieurs itinéraires au gré de chevauchées et de rencontres. La trame narrative est donc très addictive, puisque nous laissons toujours une trajectoire en plan pour avancer avec une autre : les personnages évoluent dans des circonstances différenciées et pourtant liées.

Encore une fois, même si nous lisons comment Deijan, le personnage titre, revient à la vie et prépare sa vengeance, les femmes sont à l'honneur, Guilendria bien entendu, mais aussi sa suivante, la « mater », la « douairière », les prêtresses, la cuisinière, la sorcière aux chats…

L'écriture est à la fois solidement documentée et inventive, étoffée de notes de fin pour les termes techniques, méconnus ou inventés. L'ambiance de fantasy médiévale est très travaillée, dans tous les détails, architecturaux, vestimentaires, sémantiques… C'est donc très convaincant, visuel : on s'y imagine sans peine…

Parfois, l'auteure use de mots anciens à la fois poétiques, surannés et surtout très « littéraires », ce qui date et contextualise le récit tout en prouvant son travail de recherche et son sens du détail.

Je sais que Cécile Ama Courtois connaît bien les chevaux et cela transparait dans son récit, pour mon plus grand plaisir : description des robes et des allures, des attitudes et comportements, de l'assiette des cavaliers, des équipements… ; tout sonne juste pour qui fréquente aussi ces merveilleux animaux.

Mais, ce qui me frappe le plus, encore une fois, c'est la place du corps dans le récit, le corps blessé et invalide de Deijan, « corps nu, vulnérable et abimé », le corps maltraité et humilié de Guilendria…, les corps dans tous leurs états, des plus sensuels aux plus dégradants, avec leurs besoins et leurs réactions physiologiques… Les sentiments et les émotions sont souvent décrits et mis en lumière grâce aux manifestations physiques provoquées chez celles et ceux qui les ressentent ; le corps devient un prisme qui diffracte le point de vue, moyen de pression par la torture et d'expression par ses réactions incontrôlées : « un cœur brisé envoie des éclats de peine dans tout le corps, et tous les organes sont touchés ».

Enfin, Cécile Ama Courtois transpose dans son roman des problématiques qui font écho dans notre époque.

Ainsi, la déesse Esca a donné aux hommes la capacité de faire du monde un paradis et ces derniers en ont fait un enfer.

Elle met l'accent aussi sur le sort quotidien des personnes frappées de handicap dans la description des soins apportés à Deijan par les prêtresses à l'attitude parfois infantilisante ; elle donne au sentiment d'impuissance du Comte des accents sincères et émouvants.

Guilendria porte en elle des valeurs humanistes malgré les épreuves endurées ; ainsi son attitude face aux écumeurs rappelle celle, très digne, de certaines victimes des attentats qui nous ont frappés ces dernières années : « les écumeurs prendraient peut-être ma vie, mais ils n'auraient pas ma haine. Ils auraient ma compassion. Et mon pardon ».

Elle dresse le portrait d'une classe dirigeante coupable d'avoir exploité sans vergogne les gens qui dépendaient d'elle et de ceux qui, en face, ont pris les armes sans discernement en déclarant la guerre à tout le monde, coupables mais aussi innocents.

Cécile Ama Courtois évoque aussi l'art et la manière de bien gouverner un pays, face aux afflux de réfugiés politiques ou économiques, aux révoltes des pauvres et des miséreux : « nous avons du pouvoir sur les choses, c'est pourquoi nous avons le devoir de nous y intéresser et de nous impliquer ». Il s'agit bien de changer une société en profondeur.

Ainsi, ce deuxième tome marque la fin de Nordie. Cécile Ama Courtois n'a pas prévu de série… C'est un bon format, une longueur parfaite, équilibrée.

Au-delà de l'histoire d'amour et de vengeance, du roman d'aventure proprement dit, dont le postulat n'est peut-être pas fondamentalement original, je me suis surtout attachée à l'écriture et au style de Cécile Ama Courtois qui provoque un réel bonheur de lecture ; il y a une profonde maîtrise et une réelle poésie, un sens du rythme… une patte très personnelle. Nordie dans son ensemble est un très bel écrin, dont l'écriture esthétise le contexte.

J'ai très envie de découvrir les autres livres de Cécile Ama Courtois.

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